Pourquoi

Je cherche les mots de ce poème.

Ce sont des mots pour percer à travers la colère, au delà.

Car la colère est sans mots.

Sans les mots qui sont des mots.

Les mots de la poésie.

La poésie ne peut être en colère.

Dans la colère, la muse se tait.

Son souffle s'évapore.

Les mots de la colère n'ont que le visage des mots.

Ils ne sont qu'un costume emprunté au poète évanoui.

Les mots de la colère ne sont pas des mots pour dire le silence du poète.

Ce sont des mots pour maudire sa destinée.

Je cherche les mots de ce poème et au loin, j'aperçois.

J'aperçois le poète torturé dans sa chair et la muse enserrée dans des chaînes glacées,

bâillonnés, en souffrance.

Et un seul mot vient à ma bouche.

Pourquoi ?

Je cherche les mots de ce poème et je ne trouve que celui-là.

Les âmes mortes

Le soleil du passé

obscurcit leur avenir

d'un désir étranglé

qui ne peut advenir

Le soleil de leur désir

ainsi peu à peu s'éteint

quand la mort ne cesse de leur dire

qu'à part elle il n'y a plus rien

Et quand la vie vient se réduire

à un corps qu'il faut soigner

au nom même de ce désir

son soleil est enterré

Trauma

Jeté sur le sol

du non sens qui transpire

le tapis des mots

non ne peut pas le dire

ce qui brisa ton désir

d'aller très haut

Car quand tu as connu

le pire

tu sais

qu'il peut être vrai

à nu

sans un bémol

Résurrection

Les cheveux de mon désir

Lentement se sont effilochés

A force de voir gémir

Ceux que la douleur emportait

J'aimais leur voix

J'aimais leur sourire

Qui peu à peu se sont abîmés

Savoir pourquoi

Ne prévient pas du pire

Comment vivre quand on sait

Qu'un jour tout peut se casser

Qu'on l'ait connue dans son corps

Ou dans son cœur et bien c'est pareil

C'est la vivre en soi cette mort

Qui éteint les vivants au soleil 

J'attends

J'attends la renaissance

De cette mystérieuse étincelle

Sans plus y croire

Pourtant

Parler

De foi dans la vie éternelle

Dans la résurrection n'a de sens

Que lorsque sans le prévoir

On renaît

Dérisoire

Je cherche les mots de ce poème.

Ce sont des mots qui semblent si dérisoires qu'ils ne trouvent plus de sens à se dire.

C'est que, quand l'humanité plie sous le règne de la mort ordonnée par ses seigneurs, ce sont là des mots qui ne parlent plus à personne.

Car les mots d'un poème ne cherchent pas à être entendus.

Ils viennent envelopper le cœur des âmes qui, sans eux, tremblent de froid dans leur berceau.

Qu'ils disent le bonheur et la joie, ou la souffrance et la peine, ils sont amour.

Car quand ils disent le bonheur et la joie, ils les font vivre.

Et quand ils disent la peine et la souffrance, ils les soignent.

C'est que, sans les mots du poème que tu as écrit, je ne sais pas que je ne suis pas seule.

Alors, je dépose sur le papier les mots de ce poème, comme la mère de Moïse son berceau sur le Nil.

Et un jour, toi, l'inconnu qui les lira peut-être, retrouveras-tu le sens que tu as perdu.

Les yeux de ton âme

Dans le champ de ton regard

le soleil s'est éteint

Et les yeux de la mémoire

écarquillés ne voient plus rien

Eblouis par la noirceur

de l'éclair qui l'a transpercé

Quand les coups t'ont appris la douleur

là où le mots auraient dû la nommer

Et les pupilles de ton âme

n'en voient plus clairement que la nuit

Mais c'est ici que renaît la flamme

de cette lumière qui seule la guérit

Nouvelle parution

 Nouvelle parution dans la revue 

Rose des Temps no 44 sur le thème, De la musique avant toute chose.

Association Parole & Poésie